De Murnau à Herzog, et jusqu’à ses avatars modernes, une exploration malicieuse de la destinée d’une figure mythique du septième art, avec, pour guide, Nosferatu lui-même...
C’est en 1922, dans une Allemagne exsangue, que Murnau tourne Nosferatu le vampire, nourri de légendes et de références paranormales. Le jeu halluciné de Max Schreck dans le rôle-titre, l'atmosphère angoissante et les décors romantiques posent les jalons d’un genre naissant : le cinéma d’horreur. Cette géniale adaptation du Dracula de Bram Stoker, dont on omet faute de budget de contacter les ayants droit, vaudra à l’éphémère société de production Prana un procès suivi d’une faillite. Condamné à la destruction, le film – à l’instar du mort-vivant qu’il met en scène – ne disparaîtra pas tout à fait, ses copies circulant sous le manteau. Dès lors, le virus se réplique et mute, suscitant une véritable épidémie de vampires : au cinéma, avec le remake en couleurs de Werner Herzog (avec Klaus Kinski et Isabelle Adjani), ou le sensuel Dracula de Coppola, mais aussi dans la musique, les séries ou la culture populaire.
Immortalité
Et si la créature imaginée par Murnau revenait d’outre-tombe pour nous conter son histoire ? C’est le pari ludique de ce documentaire emmené par un Nosferatu contemporain. Revenant sur les lieux du tournage et puisant dans de riches fonds d’archives, il se plonge dans la genèse du monument expressionniste dont il explore les thèmes et les influences – notamment celle de son producteur Albin Grau, passionné de sciences occultes. On y croise chercheurs et cinéastes, comme la réalisatrice féministe Ovidie ou encore Florence Tissot, commissaire de l’exposition que la Cinémathèque a consacrée en 2019 à la figure du vampire. Si ce dernier fascine autant le cinéma, analyse-t-elle, c’est que l’un comme l’autre incarnent "une métaphore de l'immortalité", avec une capacité remarquable à renaître de leurs cendres